HISTOIRE D’ALDA :

Je m’appelle Alda, mais on m’appelle « madame », j’ai 90 ans et je souffre de troubles cognitifs. Certains me pensent démente. Est-ce à cause de cela que ce que j’offre à voir à ceux qui m’entourent ne fait que confirmer que tout ne tourne pas rond chez moi ? J’aime la solitude ou j’apprécie de m’isoler. J’observe beaucoup ce qui se passe autour de moi. Je me suis trouvée une place à moi, près de l’entrée de l’établissement, vers son accueil, en visuel sur la machine à café. Il y a beaucoup de passage, c’est peut être ce qui m’attire ici. Je m’y mets toute seule grâce à mon fauteuil roulant que je ne quitte jamais et gare à celui qui s’avise de m’en déloger. Je n’aime pas que l’on pénètre mon périmètre de sécurité. Je me fâche facilement dans ce cas et le meilleur exemple est celui de la toilette que l’on exige de moi ! Je crie, je frappe, je mords et je lutte. Cela se passe toujours très mal. Du coup avec cette réputation que je me suis savamment construite, je passe pour un « porc-épic » que l’on évite le plus possible. On pense surement que je l’ai bien cherché. Du coup je sens forcément que je ne suis pas aimé par les soignants qui me prennent en charge. Personne ne se dispute pour me prendre en soin ! Pourtant le petit chien qui accompagne cette soignante régulièrement, lui il m’aime bien, et je le lui rends bien. Lorsqu’il est là je me laisse mieux faire, pour lui !

(En gras : les principes Montessori mis en place)

Un jour une des « blouses-blanches » est venue me voir. Elle s’est baissée pour être à mon niveau, nos regards se sont croisés (adaptation à la personne). Elle souriait, m’a dit qu’elle s’appelait Lydie, son nom était écrit sur le badge qu’elle me montrait (parler moins, montrer plus). Curieusement elle m’a demandé un service. Elle voulait savoir si j’étais d’accord (toujours demander) de l’aider à préparer la table du dîner. Elle a précisé que ça ne me prendrait que quelques minutes. N’ayant rien d’autre à faire je lui ai donné mon accord. Elle m’a accompagné dans la salle du dîné et elle m’a fourni les serviettes et les bouteilles d’eau qui devaient être placées face aux convives. Elle m’a montré comment je devais faire (démonstration). J’avais tout ça posé sur mes genoux et j’ai fait le tour des quelques tables pour accomplir ma mission. La jeune fille dont j’ai vite oublié le prénom, m’a remercié de mon aide et m’a demandé si j’étais d’accord de refaire cela le lendemain (bouclage de l’activité). Je n’avais pas de raison de  lui refuser ce service. Le lendemain, et les suivants ce sont d’autres blouses-blanches qui sont venus gentiment me proposer de leur prêter main forte (répétition de l’activité). Au fond elles sont toutes gentilles ces blouses blanches (conditionnement positif). Hier l’une d’entre elle est venue me demander si je voulais faire la distribution des fleurs en papiers crépons qui ont été faites par les résidents en activité. Ma tâche consiste à porter le carton des fleurs sur mes genoux et d’aller trouver tous les résidents et les personnels de l’établissement pour leur en faire choisir une. J’étais très fier d’entrer dans le bureau du docteur pour lui proposer une fleur. Il les trouvait toutes belles et m’a demandé si je voulais bien en choisir une pour lui. J’ai pris mon temps et après avoir bien examiné l’ensemble des fleurs j’ai choisi une belle rose pour lui. Je ne pense pas avoir souri comme ça depuis longtemps lorsqu’il m’a affirmé qu’il n’aurait pas pu faire un meilleur choix !

Depuis quelques temps j’ai quitté ma place favorite, je préfère rester avec les autres dans mon lieu de vie. Je reste taciturne et un peu à l’écart, mais on me sourit plus. C’est drôle mais j’ai l’impression qu’on me regarde différemment. Même mon prénom semble plus entendu que les « madame » habituels.02

Je m’appelle toujours Alda et je n’ai pas guérie de mes troubles cognitifs mais bizarrement j’ai  l’impression que l’on me prend moins pour une folle. Je les aime bien ces petites avec leurs blouses blanches, elles s’occupent tellement bien de moi, particulièrement le matin après mon petit déjeuner, ou elle m’aide à faire toute seule ma toilette. Mais surtout j’ai le sentiment qu’elles m’aiment bien aussi !